Moi... je te voulais Star!...
 
               
               
            Dans un tout petit coin de notre quotidien
            Il y a presque huit ans... un simple Alexandrin
            Pour te dire "Salut"!... Tu n'as pas répondu
            Ayant peur du rejet ou bien de l'inconnu...
            Faut dire que j'avais trop poli le miroir!
            Je te voulais parfaite... Moi je te voulais Star!
             

            Deux semaines plus tard, mon annonce a changé
            D'Alexandrin, en prose... Elle t'a dérangée!
            Pourtant, j'étais le même! Tu l'avais deviné...
             

            Dans tes premières lettres, tu parlais d'un café
            Au resto à Longueuil on se rencontrerait...
            Des heures au téléphone à nous imaginer
            Et l'angoisse ronronne jusqu'au 31 mai...
            Jour de ta fête Silo... de notre Anniversaire!
            J'étais trop excité... j'ai renversé ton verre
            Ou le mien, mais enfin... Tes traits durs et sévères
            M'ayant fait sursauter, j'ai scruté ton visage...
            "Est-elle ce qu'elle en a l'air?...Est-ce un camouflage?"
            Je vais la découvrir et j'irai jusqu'au bout,
            Beauté et esthétique n'étant plus un atout...

             
            Notre premier baiser, nos premières caresses...
            De ton premier homard, à moi entre tes fesses
            Au coin de Bélanger et Deuxième Avenue...
            Dans l'auto embuée au bout de votre rue...
             

            De ta première pilule à ta première fois...
            Aux Galeries du Nord où résonna ta voix...
            À ton travail aux Postes... De Berlin à Rostock...
            Amsterdam, Liban, Chypres... ta jalousie m'emporte
            Au souvenir pénible de la nuit de Bruxelles...
            Il nous avait sauvés, cet amour maternel!
            "Roger ne m'aime plus!... Il veut partir, maman!"
            Tu hurlais et Mariette cria: "C'est écoeurant!"
            Elle l'a répété, ce cri..."C'est écoeurant!"
            Il m'a giflé, figé... j'ai rebroussé chemin...
            Je me suis senti traître... scélérat et vaurien...
            "Mais je suis son soleil!... C'est elle qui me l'a dit!
            Si je pars, c'est la nuit... que deviendra sa vie?"
            Je suis resté pour toi, mais après j'ai compris
            Que c'était plus pour moi... Je t'aimais moi aussi...
             

            Veux-tu que je raconte tout ce qui a suivi?
            L'amour et la passion de sept ans et demi?
            En quelques lignes ou quelques pages ou livres?
            Notre vie est un film: celui du mal de vivre!
            Dans tous les sens des maux... de toi moi j'étais ivre
            Sans comprendre jusqu'où je nous conduirais saoul...
            C'est sur la voie rapide que j'ai roulé surtout
            En sautant la clôture, parfois par négligence..
            Des fois par solitude, parfois par pure chance...
            Des fois beautés plastiques, parfois peaux de velours...
            Des fois c'était désir... Mais jamais par amour!
            C'était au tout début, quand j'avais l'habitude,
            Après j'en voulais moins et puis j'en voulais plus...
            Je me lavais tranquille de mes péchés passés,
            Ma vie devenant Île et toi son seul palmier...
             

            Quand je t'ai rencontrée j'avais ton âge aujourd'hui,
            Tu es dans mes souliers... modèle 86!
            Comprends-tu maintenant mes vieilles raisons d'agir?
            En veux-tu des excuses pour t'avoir fait souffrir?
            Dieu sait que je t'en dois... Il n'est jamais trop tard
            Pardonne-moi Silo... Moi je te voulais Star...
             
             

            En toi j'ai investi sept années et demie,
            Les plus belles de ma vie... Tu les donnes à lui!
            Tu ne pourras pas dire: "Même chose pour moi",
            Moi je voulais vieillir et mourir dans tes bras,
            Emportant avec moi dans la blancheur de l'âme
            L'Amour de Dieu Entier et ton amour, Sylviane...
             

            Toi, tu voulais mener? Vas-y... Prends-donc les rennes!
            Je t'aurais dit "volant", si tu savais conduire!
            Cocher, va... En avant! Et que vive la Reine,
            Puisque le Roi est mort... Que continue la vie!
            Sous des tonnes de remords, enterré, mais sans lui,
            L'éclat du souvenir disparaîtra aussi
            Et finira en rimes... Comme ses poésies...
             

            L'Amour tout hébété, sonné, coi et hagard
            S'étant fait matraquer, violer, sans crier gare
            Par une nuit sans lune, à une heure du matin...
            La nouvelle à la une du pire quotidien...
             

            La massue fut de plomb; elle a broyé mes os...
            Aujourd'hui son poison se répand dans mes veines...
            Sylviane, ma chanson... Silo, mon requiem...
            Le poignard dans mon coeur m'a pénétré du dos,
            Tout confiant que j'étais, à l'autre bout du monde!
            Comment parer le coup que m'a porté ma blonde?!
             

            Tu aurais pu m'attendre, encore un mois ou deux
            Avant de te laisser prendre à d'autres jeux!
            Et, les yeux dans les yeux, comme deux vieux compères,
            Avant que ça n'arrive, mettre le tout au clair!
            Ou m'avertir avant! Ou te confier à moi!
            M'épargner ce tourment que je ne méritais pas...
            Pas après tout ce que j'ai vécu avec toi...
             

            Les larmes m'ont brûlé pour la première fois...
            Et des jours sans arrêt j'ai braillé comme un fou...
            J'ai fait de toi une femme, bébé, un vrai bijou!
            Tu m'as émasculé avec ton adultère
            Pendant que poings liés, je ne pouvais rien faire...
             

            Tu m'as laissé tomber sans penser à ma chute...
            Vendu très bon marché... Et en un temps record!
            Sylviane ma fiancée, ma femme, mon trésor,
            La portais-tu la bague, l'alliance sans dispute
            Gage de notre amour, quand il t'a pénétrée???...
            L'as-tu ôtée avant, comme tes habitudes,
            Placée sur la commode avant de t'éclater???...
             

            Tu m'as trahi, Sylviane et, souillés nos deux corps
            Ne reste que nos larmes pour laver les remords...
            Tu as brisé mon coeur, et tué mes espoirs...
            Je baigne dans mes pleurs... Moi je te voulais Star...
             

             
            Moi j'aurai massacré quiconque aurait osé
            Te faire du mal, bébé... et ça, tu le savais...
            Pendant toutes ces années, j'ai patiné surtout
            Et aussi, tenu tête aux dangers les plus graves!
            J'ai fait la guerre à tous, pour que ton nom s'engrave;
            À ma propre famille, mes amis et à tout!
            Souvent même contre toi, ne voulant rien savoir
            Étant trop malheureuse de partager, des fois!
            Fallait parler français partout où on était
            Sinon, tu nous boudais et gâchais la journée!
            Quand tu faisais la gueule aux gens de l'entourage
            Moi je faisais le clown pour te faire pardonner!...
             

            Au grand jamais, jamais t'ai-je laissé tomber...
            J'ai porté ton drapeau plus haut que les tornades...
            Je n'ai pas dit un mot... je n'ai pas dérangé,
            Mais quand j'étais brûlé, tu étais ma pommade...
             

            Quand contre moi tu dors... ton haleine me grise...
            Chaude fille du Nord...Si le vent fit la bise
            C'est moi qui t'ai fait femme... Je prierais tous les soirs
            Pour que Dieu me pardonne... Moi je te voulais Star...

             
             
            Prunelle de mes yeux, de Rostock à Granby
            J'ai tout fait de mon mieux pour embellir ta vie...
            J'ai beaucoup bouillonné, au travail acharné
            Pour me casser le nez et dans tous mes projets...
             

            Tu devais m'épauler sans jamais me lâcher;
            Toi, moi, côte à côté... On serait arrivés!
            Tu m'as laissé tomber... Tout le monde quittait
            Le bateau qui coulait... Tu aurais pu rester!
            Je nous voulais ensemble; on l'avait planifié!
            Le loft et le piano... Les as-tu oubliés?
             

            Pour rester, j'ai tout fait; j'ai essayé les banques
            J'ai vu des gros bonnets, soi-disant qui m'auraient
            Très vite renfloué! Ils m'ont tous labouré...
            La vache tombée... c'est pas les tanneurs qui manquent!
             

            Je n'avais plus le choix: il me fallait partir...
            Et au point de départ, je me suis retrouvé
            Quinze ans plus tard, devoir tout rebâtir
            Quinze ans plus tard, à tout recommencer...

             
            Je n'ai pas tout perdu, il me reste Sylviane!
            Sylviane... Mon ti-cul, Silo... Mes chaudes larmes...
             

            Trois ans de dépression... Trois mois à la galère!
            Trois ans de récession... Trois mois dans le désert!
            Envers et contre qui?... Je n'avais plus que toi!
            Trois mois de solitude à ne rêver qu'à toi!
            Mes nuits de lassitude, te chuchotant tout bas
            Jusqu'à te sentir proche... Je fermais mes paupières
            En baisers papillons, pour te faire chavirer
            Et donner des frissons à mon amour d'hier...
            Pourquoi Sylviane? Pourquoi?... Pourquoi m'as-tu viré?
             

            Ton âme est avec moi... Veux-tu donc me hanter?!
            Ton corps dans d'autres bras... Tu viens me tourmenter...
            N'as-tu donc pas compris? J'ai survécu pour toi!
            Allaité par la vie émanant de ta voix...
             

            J'étais venu ici bâtir notre avenir,
            Ne veux-tu rien savoir? Tu le savais, maudit!
            Je suis en Arabie pour préparer cela,
            Comprends ce sacrifice... Je souffre assez comme ça!...
             

            J'encaisse tous les coups pour pouvoir retourner
            Sans problèmes de sous, sur tous les toits crier:
            "Sylviane mon amour!... Sylviane, épouse-moi!"
            Vivons tous nos projets... Faisons de la musique!
            Regarde ton Roger capoter avec toi!
            Ce serait fantastique... Tellement romantique!
            Lâche donc tout, Silo et viens vivre avec moi!
            Car après le boulot nous pourrons vivre d'art!
            C'est moi Roger, Silo... Moi je te voulais Star!...
             
             

            Ma vie... elle est finie... J'ai tout dit ça pour rien...
            Tu es froide, maudit... Tu veux te prendre en mains.
            Je pourrai me vider de mon vocabulaire
            Ça ne va rien changer... Tu es mon tortionnaire...
             

            J'étais bouillant de vie, surtout plein d'intentions,
            Et tu m'as démoli... Silo, fais attention;
            Mon coeur est dans tes mains, il est tellement fragile!
            Il t'adore et t'admire, toi son Talon d'Achille...
             

            Cet homme avait du pif... Te voulais une Star!
            Mais ce volcan actif, ne fumant que cigares,
            Le 2 janvier, la nuit... d'un coup fut éventré...
            La terre autour de lui, soudain s'est écroulée,
            Le laissant seul, trahi, aux bas fonds d'un trou noir...
            Un fleuve de Sibérie jaillit de ses orteils
            Poussant jusque sa gorge son coeur qui explosait...
            L'infernal dégorgea des cendres embrasées
            Des plus beaux souvenirs brûlés dans leur sommeil...

            Le noir le plus amer figea son univers...
            Et il vomit sa vie quand, crachées du cratère,
            Des armées de fourmis envahirent son crâne...
            Tous l'ont assassiné... Toi aussi Ô Sylviane?!
            Toi qui m'a tant aimé, cherche dans ta mémoire!
            Viens me bercer bébé... Moi je te voulais Star!
             
             

            Le monde c'est un livre... Tu en es les idées...
            Le monde c'est l'océan... Tu en es l'eau salée...
            Le monde c'est des yeux... Tu es la vue dedans...
            Le monde c'est musique... Tu es son instrument...

            Tu habites mes gènes, t'habille de ma peau
            T'irrigues par mes veines et tu tiens sur mes os...
            Tu fais partie de moi intégrante, homogène...
            Tu me tiens les émois, tu m'inondes en peines...

            Tu dors dans mes paupières, je rêve dans ta tête...
            Tu pompes dans mon coeur le peu de sang qui reste...
            Tes soupirs que je cueille, c'est l'air que je respire...
            Et mes larmes de deuil, c'est toi qui les transpire...

            Ce jour, 31 mai, c'est mon anniversaire
            De nouveau je suis né, quand tu m'as délivré...
            Tu m'as donné ton sein, et nourri dans ta chair
            Que j'aie cent ans demain, je ne pourrais sevrer...
             
            Tu vis dans ma mémoire et prends toute la place
            Mon coeur, tu l'accapares... Il n'y a plus d'espace!...
            Je suis rempli de toi... et même si tu pars,
            Tu resteras en moi... Tu resteras ma Star!...
             
             

             
                          Roger Yazbeck
                          Riyadh, Janvier 1994
     
    Retourner à la Page poétique de Roger
    Back to Roger's Poetry Page